Les déclarations de Manuel Valls et de François
Hollande, qui visent à interdire toute manifestation dans la capitale,
constituent une manœuvre révoltante et portent atteinte aux droits
essentiels des citoyens.
L’attaque délibérée de forces de police et les actes de
dégradations d’édifices publics et privés sont clairement réprouvés par
les syndicats organisateurs de ces rassemblements.
Il y a aujourd’hui sans doute de multiples raisons de se
révolter. Mais les conduites d’agression et de destruction ne peuvent
avoir pour résultat que de tourner l’opinion publique contre le
mouvement social. Elles font le bonheur du pouvoir, qui les encourage en
leur donnant une publicité constante et démesurée, dont l’objet est de
rendre illisibles et d’occulter toutes les formes d’expression du
mouvement social.
Nous condamnons avec force ces amalgames et
manipulations de l’opinion publique. Et nous appelons à la défense du
droit de manifester.
Exactions policières
Ce gouvernement joue délibérément la carte de la
tension et même davantage : l’option de la provocation irresponsable
contre les manifestants, encerclant et bousculant brutalement les
cortèges pacifiques, sans égard pour les journalistes, les lycéens jeunes, les salariés âgés, les retraités. Quand a-t-on
vu cela dans ce pays ? C’est insupportable, intolérable, indigne. De
telles exactions policières, personne n’avait imaginé qu’elles
deviendraient la règle sous ce quinquennat.
Il y a là une stratégie constante, engagée depuis l’arrivée de M. Valls au ministère de l’Intérieur et poursuivie aujourd’hui.
Tu es à Sivens. Un jeune type, fac de biologie, t’as les
mains en l’air. Aucune sanction, pas d’excuse de M. Valls. Mort pour
avoir dit non. Pacifiquement. Tu t’appelles Rémi Fraisse. Le tir de
grenade t’arrache le visage. C’était il y a un an.
Le droit de dire «non»
Tu es écolo, c’est la COP 21. Tu vis à Rouen, à Rennes, à
Bordeaux, à Paris, à Nantes. C’est sûr qu’avec tes quinze potes, tu
constitues une menace grave pour la République. Tu veux juste dire aux
puissants de la COP : «cette fois, pas comme à Kyoto, respectez vos engagements !».
Tu es fou ou quoi ? À 6 heures du matin, des policiers forcent ta
porte. Tout de suite, tu es allongé par terre, ils cassent tout chez
toi, éventrent les matelas. Tu es un danger parce que tu veux
manifester ? Tu es assigné à résidence, ils reviennent après, de temps
en temps.
Tu es ouvrier. À Goodyear. Ou ailleurs, vraiment l’embarras
du choix. Tu es licencié. La suite, tu l’as direct devant les yeux :
les crédits, tu peux plus payer, la maison, non plus, du boulot, pas
avant longtemps; tu t’en sortais à peine, c’est la galère pour
longtemps. Pourquoi ? Parce que t’es ouvrier ? Parce que ta «boîte» fait
des profits, mais en veut toujours plus. Plus pour qui ? Tu résistes.
Tu retiens un DRH. Direction Palais de justice. Tu es criminel de
résister. Tu es criminel d’être un syndicaliste qui résiste. Mais un
syndicaliste, ça doit faire quoi ?
Et il faut dire : etc. Et il faut croire qu’est de gauche
ce gouvernement qui autorise ces violences ? Jusqu’où ira-t-il ? Un
autre Malik Oussekine ?
Qui croit-il impressionner ? Sinon lui-même. Pour un
instant s’imaginer matador, viril, martial. Il n’est qu’apeuré. Et en
tous cas, nous n’allons pas laisser tomber les droits de dire non. Ils
viennent des luttes d’hier menées par toute la gauche. Nous continuerons
à manifester.
Signataires
Etienne Balibar (philosophe), Jacques Bidet (philosophe), Jérôme Bourdieu (économiste), Christophe Charle (historien), Benjamin Coriat (économiste), Christine Delphy (sociologue), Eric Fassin (sociologue), Olivier Fillieule (sociologue), Bastien François (politiste), Jean-Marie Harribey (économiste), Sabina Issehnane (économiste), Esther Jeffers (économiste), Pierre Khalfa (coprésident de la Fondation Copernic), Rose-Marie Lagrave (sociologue), Frédéric Lebaron (sociologue), Philippe Légé (économiste), Dany Lang (économiste), Willy Pelletier (sociologue), Jonathan Marie (économiste), Gérard Mauger (sociologue), Christian de Montlibert (sociologue), Léonard Moulin (économiste), Gérard Mordillat (romancier), Gisele Sapiro (sociologue), Johanna Siméant (politiste), Violaine Roussel (politiste), Christian Topalov (sociologue)
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