Article publié par Romain James, militant du PG
Quel que soit le jugement que l'on porte sur la candidature de Jean-Luc Mélenchon, on peut reconnaître qu'elle est clivante. Les critiques sont nombreuses, notamment de la part des organisations de l'autre-gauche. Mais la manière de procéder de Mélenchon relève d'une certaine analyse de ces structures que les critiques viennent justement renforcer.
Quel que soit le jugement que l'on porte sur la candidature de Jean-Luc Mélenchon, on peut reconnaître qu'elle est clivante. Les critiques sont nombreuses, notamment de la part des organisations de l'autre-gauche. Mais la manière de procéder de Mélenchon relève d'une certaine analyse de ces structures que les critiques viennent justement renforcer.
La complainte des corps intermédiaires
« Seul », « égo-surdimensionné », « autoproclamé », « homme providentiel », les noms d'oiseaux classiques de la politique ont fait un bond à la bourse de Paris. Au delà des attaques qui portent quasi exclusivement sur le personnage les critiques touchent un point essentiel de la stratégie de Jean-Luc Mélenchon : ne pas s'encombrer du soutien des structures traditionnelles de la gauche. Autrement dit, enjamber les corps intermédiaires, ne pas passer par le cursus honorum habituel. Mais pourquoi ?
Nous avons une croyance à gauche -je ne sais pas comment la qualifier autrement- qui consiste à penser que le collectif est systématiquement garant des intérêts du peuple, plutôt qu'un individu, quel qu'il soit. On comprend cette croyance avec l'histoire de notre pays et de l'Europe, on la comprend moins au regard de certains processus révolutionnaires plus récents ou plus éloignés. Mais quoi qu'il en soit cette croyance a une certaine légitimité.
Seulement voilà, les structures de l'autre gauche, censées représenter les intérêts du peuple, ont fini, au fil de nombreuses années, par représenter davantage les intérêts de leur organisation et/ou ceux des apparatchiks à leurs directions. Ce n'est pas une science exacte, c'est la conclusion que je tire de 10 ans de militantisme, et particulièrement de ce qu'est devenu le Front de Gauche après l'élection présidentielle de 2012. Les alliances avec le PS aux élections locales, les positions timorées pour ne pas trop fâcher. Bref tout porte à croire que le collectif dans ce cadre, cherche à conserver une certaine influence, un certain pouvoir, quitte à pactiser avec les adversaires de celles et ceux qu'ils représentent. La réalité est cruelle, mais à l'autre-gauche, avant Mélenchon, plus personne n'avait de stratégie de prise du pouvoir, seulement des vues à court terme pour sauver les meubles.
Voilà comment se passent les choses d'année en année et comme elles se préparaient à se passer de nouveau. Des indécisions à n'en plus finir, des engueulades de salon de thé jusqu'à une primaire, ou un accord entre partis, désignant très tard un candidat ligoté entre des forces qui l'enserrent et condamné à un consensus mou entre leurs différentes lignes. Cette stratégie, ou cette non-stratégie puisqu'il s'agit de répéter le même processus indéfiniment, nous enterre dans les abysses de la minorité.
Être révolutionnaire
Mais dire cela ce n'est pas tout. Les plus lignards des militants sont prêts à reconnaître qu'il y a un problème. La question c'est de savoir quelle stratégie révolutionnaire il faut mettre en place. La défiance à l'égard des institutions est énorme dans notre pays. Les gens sont désabusés et ne vont plus voter. Cela tout le monde le sait.
Il faut donc refédérer les forces qui se sont résigner, remettre le feu là où les cendres ont étouffé les braises, et on ne peut pas le faire avec de vieux totems. On ne peut pas le faire en martelant qu'on est plus à gauche que le gouvernement. Ni même qu'on est la gauche, la vraie. On ne peut pas le faire avec les mêmes mots, les mêmes expression et les même programmes qu'il y a 5, 10, ou 30 ans. Il faut une stratégie et une campagne iconoclaste, qui bousculent tous les cadres de pensées pour forcer l'interrogation et le renouveau de l'intérêt du combat.
Être iconoclaste, c'est ne pas avoir peur de casser les murs, et donc ne pas avoir d'intérêt à leur conservation. Je trouve aujourd'hui les corps intermédiaires (les partis à gauche, les structures syndicales, ou parfois associatives) plus intéressées à un certain conservatisme (au nom du maintient de leur parcelle de pouvoir) qu'un Mélenchon qui ne peut ajouter à sa carrière politique, que la grisante satisfaction d'avoir été celui qui a fait effondrer le système de la 5e République.
Je trouve aujourd'hui Jean-Luc Mélenchon plus capable d'être révolutionnaire que n'importe quel parti, le sien compris. Et s'il fallait illustrer sa stratégie iconoclaste, sa candidature l'a parfaitement incarné. Plus d'encombrante « gauche » mais le « peuple » contre « L'oligarchie », plus de structures qui viennent picorer les places aux législatives, un mouvement populaire qui s'empare de la campagne. C'est ce dernier mouvement qui reste la grande question, le pari fait sur lequel tout peut être perdu : la capacité du peuple à se mobiliser sans ses corps intermédiaires.
L'opposition des partis m'évoque aujourd'hui davantage des structures boudeuses à qui on a chipé leur prérogatives, plutôt que des collectifs soucieux de représenter le peuple. C'est pourquoi je choisis le « solitaire » plutôt que les primaires. Car c'est cette stratégie qui me paraît la plus capable de devenir majoritaire.
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