jeudi 15 décembre 2016

Métropoles, fin des départements : Macron rejoint Valls et Fillon pour démembrer la France



macronIl y a ceux qui ont la paternité de la réforme territoriale. Et puis il y a ses petits. Là où Fillon puis Valls ont théorisé et mis en oeuvre l’explosion du cadre institutionnel en substituant le principe de concurrence et de guerre économique à l’indivisibilité du peuple, Macron s’engouffre dans la brèche pour poursuivre le travail libéral d’atomisation engagé par les siens. Son discours de la porte de Versailles n’a en la matière rien à envier à ceux de ses aînés.
« Je suis pour que partout, lorsqu’il y a des métropoles qui réussissent, lorsqu’il y a ces grandes cités qui triomphent dans la mondialisation, on puisse les aider à aller plus loin, à conquérir , je suis pour qu’elles puissent absorber le département pour simplifier notre structure ». Emmanuel Macron pouvait se faire lyrique ce samedi 10 décembre, la vision qu’il livre de la réforme territoriale n’est rien d’autre que celle de l’abandon des territoires au règne de la concurrence libre et non faussée et de la compétitivité : « conquérir », « absorber », « mondialisation », les territoires sont niés en tant que bassins de vie pour laisser le champ libre aux émanations de la technostructure, les métropoles, conçues comme les réceptacles géographiques contemporains pour l’accumulation du capital. La redistribution promise pour les territoires limitrophes n’est que fadaises dès lors qu’Emmanuel Macron en appelle dans le même temps à mettre à terre le cadre institutionnel de souveraineté que demeurent les départements. Le pouvoir économique doit régner sans entraves démocratiques : pour que les métropoles de Macron vivent, il faut que les départements meurent. Il faut que l’économie « absorbe » la démocratie. Si une révolution est en marche, c’est uniquement la révolution libérale qui poursuit son chemin.
Car Emmanuel Macron ne propose rien d’autre que de prolonger la folle aventure initiée par François Fillon et Manuel Valls. Souvenons-nous. En octobre 2008, François Fillon est le premier ministre de Nicolas Sarkozy. Edouard Balladur est alors chargé de présider un comité d’experts qui doit réfléchir à la «simplification des structures des collectivités territoriales». Le rapport rendu en mars 2009 proposait notamment de réduire le nombre de régions de 22 à 15 création, de créer 11 métropoles dont un Grand Paris intégrant les départements limitrophes de la capitale, d’attribuer la clause de compétence générale à l’échelon communal seul, de supprimer des cantons…François Fillon lancera la première métropole, celle de Nice, et en tirera une première réforme territoriale via la loi du 16 décembre 2010 qui fusionnait notamment les conseillers généraux et régionaux, prélude à la disparition des départements.
La feuille de route fut ensuite reprise à la lettre par Manuel Valls qui, Premier ministre, concrétisait les plans de son prédécesseur. Loi MAPTAM sur les métropoles, redécoupage des régions, loi NOTRe : la carte de France se redessinait en fonction de ses vertus économiques, les cadres territoriaux légués par la Révolution (communes et départements) devant laisser la place à une nouvelle organisation fondée sur les métropoles, les régions et les intercommunalités. Bruxelles et ses commissaires pouvaient jubiler, eux qui « recommandaient » encore en 2014 lors de l’avis rendu sur le pacte de stabilité de «fixer un calendrier clair pour le processus [de réforme territoriale] en cours et prendre les mesures d’ici décembre 2014 en vue d’éliminer les doublons administratifs, de faciliter les fusions entre collectivités locales…». Il faut dire que Manuel Valls avait de longue date intégré les consignes. Candidat, déjà, à la primaire socialiste en juillet 2011, il proposait alors dans Libération de « réduire nos dépenses en décentralisant davantage, en simplifiant les structures administratives – par exemple en supprimant les départements – et en réformant la fiscalité locale ».
Exemple de la métropole de Lyon et du bout de département croupion du Rhône restant à l’appui, Emmanuel Macron recycle donc aujourd’hui l’idée honteuse et confuse défendue par Manuel Valls devant le Sénat en octobre 2014 : « faire émerger le couple régions-métropoles » et supprimer les départements sur les aires métropolitaines, tout en maintenant des départements de seconde zone, car affaiblis, dans les territoires ruraux. 27 millions de nos compatriotes y vivent pourtant. La conséquence immédiate en serait une rupture d’égalité entre les citoyens, certains se voyant imposés, en fonction de l’endroit où ils vivent, des cadres institutionnels à géométrie mais surtout à compétences  variables. La suite en serait la transhumance d’un flot de réfugiés de la réforme territoriale obligés de s’exiler vers les métropoles.
Comme l’évoque Jean-Luc Mélenchon, le candidat de la France insoumise, dans une tribune publiée récemment avec notamment le sénateur Pierre-Yves Collombat, membre fondateur de l’Association des Maires ruraux de France, « les territoires ruraux ne sont pas des terrains vagues, à laisser mourir, entre des métropoles uniques lieux de création de richesse. L’ensemble du territoire est utile et nécessaire. L’essentiel des emplois de demain ne dépendront pas de la compétitivité internationale de quelques entreprises, mais de la dynamique économique endogène, des circuits et des débouchés locaux et nationaux. 70% de l’investissement public civil français est aujourd’hui le fait de collectivités territoriales essentiellement tournées vers les marchés locaux, notamment dans le BTP. Et les communes offrent le maillage public fin nécessaire à la relocalisation générale des activités dans le cadre de la planification écologique ».
Culte des métropoles, disparition des départements, Emmanuel Macron n’a finalement pour nouveauté en matière de réforme territoriale que le fait d’être le dernier à reprendre à son compte la pelote libérale. La redéfinition du cadre institutionnel répond toujours à un enjeu politique : celui d’Emmanuel Macron comme de François Fillon et Manuel Valls avant lui est bien de soumettre la France aux logiques de guerre économique en lui forçant à avaler la pilule de la compétitivité et de la mise en concurrence de ses territoires et au final de sa population. Il existe heureusement une autre voie, nécessaire, celle d’un Avenir en commun comme le propose le programme de la France insoumise et de son candidat Jean-Luc Mélenchon.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire